Chargement
Menu
background
26 AVRIL 2016

Malaise dans la culture marocaine

banner

Qu’en est-il de la culture marocaine trois ans après la nomination d’un premier ministre socialiste et après une année de règne de Mohammed VI ? La production culturelle traduit-elle les inquiétudes des citoyens, leurs contradictions, leurs angoisses, leurs aspirations ? Dit-elle avec justesse ce que sont les Marocains ? Rend-elle bien compte des troubles de la psychologie collective ? Atteste-t-elle d’avancées et d’audaces esthétiques significatives ?


C’est généralement avec beaucoup de dépit et de sévérité que les observateurs de la vie culturelle au Maroc comparent l’époque actuelle à d’autres époques récentes. Les années 70, en particulier, constitueraient une sorte d’âge d’or. Pour le poète Abdallah Zrika, « comparée à la ferveur des années 70, l’atmosphère actuelle est plutôt morose. Lors de certains de mes récitals de poésie, avant mon incarcération, il y avait parfois plus de 3 000 auditeurs. C’était une époque extraordinaire. L’école Mohammedia d’ingénieurs, à Rabat, qui m’accueillait, était pleine d’étudiants passionnés, curieux, très engagés dans la défense et la promotion de la culture. Il n’y a rien de tel aujourd’hui. »


Années mythiques, marquées par les manifestes torrentiels de la revue Souffles, que dirigeait le poète Abdellatif Laâbi, l’activisme pédagogique des ciné-clubs conduits par Noureddine Saïl, le lyrisme « tellurique » de Mohamed Khaïr Eddine, les audaces picturales de l’école dite de Casablanca (Farid Belkahia, Mohamed Chebaa, etc.), le chant incantatoire de Nass El Ghiwane et le verbe zajalien (poésie dialectale) magnifique de Boujmii, le troubadour-poète du groupe.


Années mémorables, placées sous le signe de la contestation et de la solidarité. Années fiévreuses où, pleins d’un désir de révolution, on débattait à perdre haleine de la lutte des classes, de la Palestine, du Vietnam, de Cuba, de l’identité culturelle et de la décolonisation des esprits.


Années poétiques où le cinéaste Nabyl Lahlou, ce lutin génial et colérique, ficelait à tour de bras de petits chefs-d’oeuvre d’insolence inachevés. Années fécondes où la galerie l’Atelier, à Rabat, servait de lieu de ralliement à des peintres en quête d’eux-mêmes et de point de rencontre aux féministes de la première heure.


Années studieuses où, dans ce prestigieux laboratoire que fut Le Bulletin économique et social du Maroc, des intellectuels hors pair comme Paul Pascon, Abdelkébir Khatibi et Abdellah Hammoudi militaient en faveur du progrès et du développement économique. Années (…)


Article ecrit par Karim Hajji - Parut dans "Le monde diplômatique"
background